%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \chapter{Suite et série de fonctions} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \minitoc \newpage %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% Voici quelques questions posées. Espérons qu'elles seront résolues à la fin de ce~chapitre. \begin{enumerate} \item La fonction $\zeta : \alpha\mapsto\sum_{n=1}^\infty n^ {-\alpha}$ est-elle continue sur l'intervalle $\into1{+\infty}$ ? \item Sous quelles conditions a-t-on l'égalité $$ \lim_{t\to a}\left( \lim_n f_n(t) \right)= \lim_n\left( \lim_{t\to a} f_n(t) \right)\text{ ?} $$ \item Peut-on approcher une fonction continue par un polynôme? une fonction périodique par un polynôme trigonométrique? \end{enumerate} % % Les notations suivantes seront utilisées : \begin{itemize} \item $I$ est un intervalle de $\R$ non réduit à un point; \item $\K$ désigne l'un des corps $\R$ ou $\C$; \item toutes les applications considérées sont des applications d'une variable réelle (notée généralement $t$) à valeurs réelles ou complexes et l'ensemble des applications de $I$ vers $\K$ est noté $\FIE[I,\K]$ ou encore $\FIE[I]$. \end{itemize} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \section{Convergence simple} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \begin{Df}[Suite de fonctions]\mbox{}\\ % On appelle \emph{suite de fonctions définies sur $I$} toute suite $(f_n)_n$ d'éléments de $\FIE[I]$, \ie{} la donnée pour tout $n\in\N$ de $f_n : I\to\K$. \end{Df} \begin{NB} Si $(f_n)_n$ est une suite de fonctions définies sur $I$, \emph{toutes} les fonctions $f_n$ sont définies sur le \emph{même} intervalle $I$. \end{NB} \begin{Exs}\label{ex\DP suite} \begin{align} &I=\intf01\et f_n : t\mapsto t^n \label{ex\DP ex1} \\ &I=\intfo0{+\infty}\et g_n : t\mapsto \dra{nt}{1+nt} \label{ex\DP ex2}\\ &I=\R\et h_n : t\mapsto \begin{cases} n^2 t & \text{si $|t|\leq\ra1n$} \\ t^{-1} & \text{si $|t|>\ra1n$} \end{cases} \label{ex\DP ex3} \\ &I=\intfo0{+\infty} \et u_n : t\mapsto \sqrt n\, t\exp(-nt) \label{ex\DP ex4} \end{align} \end{Exs} \begin{Df}[Convergence simple d'une suite de fonctions]\mbox{}\\ % On dit que la suite de fonctions $(f_n)_n$ de $\FIE[I]$ \emph{converge simplement sur $I$} si, et seulement si, pour tout $t\in I$, la suite numérique $\bigl( f_n(t) \bigr)_n$ converge dans $\K$. % Dans ce cas, pour tout $t\in I$ on note $f(t)$ la limite de la suite $\bigl( f_n(t) \bigr)_n$ et on dit que la suite $(f_n)_n$ converge simplement sur l'intervalle $I$ vers la fonction $f$. \Reponse[Bflushleft]{ $(f_n)_n$ converge simplement vers $f$ sur $I$ $\iff$ \\ $\qqs t\in I,\qquad \lim_n f_n(t)=f(t)\iff$ \\ $\qqs t\in I,\ \qqs\eps>0,\ \exists N(\eps,t)\in\N,\ \qqs n\in\N,\ n>N(\eps,t)\implique \abs[\big]{f(t)-f_n(t)}<\eps$} \end{Df} \begin{Exs} Reprenons les exemples du paragraphe~\ref{ex\DP suite}.\\ % Exemple (\ref{ex\DP ex1}) : $(f_n)_n$ converge simplement sur $\intf01$ vers $f : t\mapsto \begin{cases} 0& \text{si $t\in\intfo01$} \\ 1& \text{si $t=1$} \end{cases}$ \\ Exemple (\ref{ex\DP ex2}) : $(g_n)_n$ converge simplement sur $\intf0{+\infty}$ vers $f : t\mapsto \begin{cases} 0& \text{si $t=0$} \\ 1& \text{si $t>0$} \end{cases}$ \\ Exemple (\ref{ex\DP ex3}) : $(h_n)_n$ converge simplement sur $\R$ vers $f : t\mapsto \begin{cases} \ra1t& \text{si $t\neq0$} \\ 0& \text{si $t=0$} \end{cases}$ \\ Exemple (\ref{ex\DP ex4}) : $(u_n)_n$ converge simplement vers la fonction nulle sur $\intfo0{+\infty}$. \end{Exs} \begin{NB} La convergence simple de la suite $(f_n)_n$ vers $f$ sur $I$ implique la convergence simple de la suite $(f_n)_n$ vers $f$ sur toute partie $J\subset I$. \end{NB} Quelles sont les propriétés des fonctions $f_n$ qui se conservent par passage à la limite simple? Le signe, la monotonie, la convexité se conservent. Plus précisément : \begin{Prop} Si pour tout $n\in\N$, les fonctions $f_n$ sont positives (resp. négatives), monotones croissantes (resp. décroissantes), ou convexes sur $I$, alors $f$, la limite simple sur $I$ de la suite $(f_n)_n$ est positive (resp. négative), monotone croissante (resp. décroissante) ou convexe. \end{Prop} \begin{proof} Le lecteur est encouragé à démontrer ces propriétés. \end{proof} %---------------------------------------------------------------------- Par contre, les fonctions $f_n$ peuvent être bornées (resp. continues) pour tout $n\in\N$ sans que $f$ le soit : exemple (\ref{ex\DP ex3}) (resp. exemples (\ref{ex\DP ex1}), (\ref{ex\DP ex2}) et (\ref{ex\DP ex3})). Un peu de vocabulaire : \og convergence simple \fg{} doit toujours être accompagné de \og sur $I$ \fg, comme le verre de bon vin accompagne le bon plat du dimanche et des jours de semaine. Lectrices, lecteurs, ne confondez pas \og le verre de bon vin \fg{} et \og le bon verre de vin \fg{}; mais tous deux se doivent d'être dégustés avec modération. \begin{Df}[Convergence simple d'une série de fonctions]\mbox{}\\ % Soit $(u_n)_n$ une suite de $\FIE[I]$; on dit que la série de fonctions $\sum u_n$ \emph{converge simplement sur $I$} si, et seulement si, la série numérique $\sum u_n(t)$ converge pour tout $t\in I$. % Dans ce cas, on note $S(t)$ la somme de la série $\sum u_n(t)$; on a : $$ \qqs t\in I,\ S(t)=\sum_{n=0}^\infty u_n(t) $$ \end{Df} \begin{Exs}\label{ex\DP serie} Voici trois séries de fonctions. \begin{align} &\sum \ra1{n^\alpha} \text{ converge simplement sur $\into1{+\infty}$.} \label{ex\DP serie1} \\ &\sum \ra{(-1)^n}{n^\alpha}\text{ converge simplement sur $\into0{+\infty}$.} \label{ex\DP serie2} \\ &\sum e^{-n}e^{in^2t} \text{ converge simplement sur $\R$.} \label{ex\DP serie3} \end{align} \end{Exs} \begin{NB} Pas besoin pour une série de fonctions de rechercher la limite simple : c'est la somme de la série! La convergence simple sur $I$ de la série de fonctions $\sum u_n$ est la convergence simple sur $I$ de la \emph{suite} de fonctions $(S_n)_n$ des sommes partielles vers la somme $S$ de la série. \end{NB} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \section{Convergence uniforme des suites de fonctions} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% Cette section donne des conditions suffisantes pour que la limite simple d'une suite de fonctions continues (resp. bornées) soit continue (resp. bornée). %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Généralités} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Convergence uniforme d'une suite de fonctions]\mbox{}\\ % Soient une suite $(f_n)_n$ de $\FIE[I]$ et une fonction $f$ de $\FIE[I]$; on dit que la suite $(f_n)_n$ \emph{converge uniformément sur $I$ vers $f$} si, et seulement si, l'écart $|f_n(t)-f(t)|$ est majoré à partir d'un certain rang indépendant de $t\in I$ par un $\eps>0$ donné à l'avance. % \Reponse[Bflushleft]{ $(f_n)_n$ converge uniformément vers $f$ sur $I$ $\iff$ \\ $\qqs\eps>0,\ \exists N(\eps)\in\N,\ \qqs n\in\N,\ \qqs t\in\ I,\ n>N(\eps)\implique \abs[\big]{f_n(t)-f(t)}<\eps $} \end{Df} \begin{NB} Constatez la place du quantificateur $\qqs t\in I$ et rappelez-vous que le rang $N$ est indépendant de $t$, ce rang ne dépend que de $\eps$. La convergence uniforme sur $I$ \emph{implique} donc la convergence simple sur $I$. Attention! La convergence simple sur $I$ \emph{n'implique pas} la convergence uniforme sur $I$. \end{NB} \begin{Prop}[Définitions équivalentes de la convergence uniforme]\mbox{}\\ % Soit $(f_n)_n$ une suite de $\FIE[I]$; alors les propriétés suivantes sont équivalentes : \begin{prop} \item $(f_n)_n$ converge uniformément vers $f$ sur $I$; \item $\qqs\eps>0,\ \exists N(\eps)\in\N,\ \qqs n\in\N,\ n>N(\eps)\implique \sup_{t\in I}\abs[\big]{f_n(t)-f(t)}<\eps$ \item il existe une suite $(\eps_n)_n$ de nombres positifs et de limite nulle telle que pour tout $n\in\N$ et $t\in I$, $\abs[\big]{f_n(t)-f(t)}$ soit majoré par $\eps_n$. \end{prop} \end{Prop} Voici une méthode pratique pour étudier la convergence uniforme d'une suite de fonctions sur un intervalle $I$. Commencez par déterminer la limite simple sur $I$ de cette suite et, à l'aide d'un tableau de variation, évaluez un majorant ou la borne supérieure de $|f_n(t)-f(t)|$ quand $t$ décrit~$I$. \begin{Exs} Pas de convergence uniforme sur $I$ pour les exemples (\ref{ex\DP ex1}), (\ref{ex\DP ex2}) et (\ref{ex\DP ex3}), alors que pour l'exemple (\ref{ex\DP ex4}), la suite $(u_n)_n$ converge uniformément vers la fonction nulle sur $\intfo0{+\infty}$ (le maximum de $u_n$ est atteint pour $t=\ra1n$). \end{Exs} \begin{NBs}\mbox{}\\ % La convergence uniforme de la suite $(f_n)_n$ vers $f$ sur $I$ implique la convergence uniforme de la suite $(f_n)_n$ vers $f$ sur toute partie $J\subset I$. La convergence uniforme de la suite $(f_n)_n$ vers $f$ sur $I_1$ et $I_2$ implique la convergence uniforme de la suite $(f_n)_n$ vers $f$ sur la réunion $I_1\cup I_2$; cette propriété se généralise à un nombre \emph{fini} de parties. La suite $f_n$ de l'exemple (\ref{ex\DP ex1}) converge uniformément vers la fonction nulle sur le segment $\intf0a$ et ceci pour tout $a\in\into01$. Une suite $(f_n)_n$ de fonctions peut converger uniformément vers $f$ sur tout segment de $I$ sans converger uniformément vers $f$ sur $I$. En particulier la convergence uniforme sur $(I_\lambda)$ pour tout $\lambda\in\Lambda$ n'implique pas la convergence uniforme sur la réunion $\cup_{\lambda\in\Lambda} I_\lambda$. La convergence uniforme n'est pas une propriété \emph{locale}, mais une propriété \emph{globale} sur l'intervalle. \end{NBs} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Norme de la convergence uniforme} %--------------------------------------------------------------------- On note $\BIE[I,\K]$ ou $\BIE[I]$ le $\K$-espace vectoriel des fonctions numériques bornées sur l'intervalle $I$; pour un élément $f\in \BIE[I]$, on pose : $$ \normi{f} = \sup_{t\in I}|f(t)| $$ $\normi{\ }$ est la norme de la convergence uniforme sur $I$ et on peut écrire : \Reponse{ $(f_n)_n \text{ converge uniformément vers $f$ sur $I$} \iff\normi{f_n-f}\tend 0$ } \begin{Prop}\mbox{} % \begin{prop} \item $\BIE[I]$ est une $\K$-algèbre et $\norme {fg}_\infty\leq\norme{f}_\infty\norme{g}_\infty$. \item Soit $(f_n)_n$ une suite qui converge uniformément vers $f$ sur $I$; alors la suite $(|f_n|)_n$ converge uniformément vers $|f|$ sur $I$. \item Si la suite $(f_n)_n$ (resp. $(g_n)_n$) converge uniformément vers $f$ (resp. $g$) sur $I$, la suite $(f_n g_n)_n$ converge uniformément vers $fg$ sur $I$. \end{prop} \end{Prop} \begin{proof}\alaligne \begin{demprop} \monitem Pour tout $t\in I$, $|(fg)(t)|=|f(t)|\,|g(t)| \leq\normi{f}\normi{g}$ ce qui établit l'inégalité $\normi{fg}\leq\normi{f}\normi{g}$. Le produit est stable dans $\BIE[I]$, et $\BIE[I]$ est une sous-algèbre de $\FIE[I]$. \monitem Pour tout $t\in I$, $\bigl| |f_n(t)|-|f(t)| \bigr| \leq|f_n(t)-f(t)|\leq\normi{f_n-f}$, ce qui montre que $\normi{(|f_n|-|f|)}\leq\normi{f_n-f}$. \monitem On a les inégalités : \begin{equation} \begin{split} \normi{f_ng_n-fg} &=\normi{f_n(g_n-g)+(f_n-f)g} \\ &\leq\normi{f_n(g_n-g)}+\normi{(f_n-f)g} \\ &\leq\normi{f_n}\normi{g_n-g}+\normi{f_n-f}\normi{g} \\ &\tend \normi{f}\times0+0\times\normi{g}=0 \end{split} \end{equation} \end{demprop} \end{proof} %---------------------------------------------------------------------- %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Interprétation géométrique} %--------------------------------------------------------------------- Plaçons-nous dans le cas des fonctions réelles et soient $f\in\BIE[I]$ et $g$ telle que $\normi{f-g}<\eps$; le graphe de $g$ se trouve dans le \og tube \fg{} défini par $$ \ens{(t,y)\in I\times\R}{t\in I\et f(t)-\eps<y<f(t)+\eps} $$ que l'on nomme $\eps$-tube de $f$. La convergence uniforme de la suite $(f_n)_n$ vers $f$ sur $I$ s'interprète en disant qu'un $\eps$ positif étant donné, le $\eps$-tube de $f$ contient les graphes des fonctions $f_n$ à partir d'un certain rang. Lectrices et lecteurs sont invités à dessiner de nombreux $\eps$-tube autour du graphe de la limite. Le scribe, encore un peu trop jeune dans l'emploi de son logiciel pour y intégrer des dessins, espère que dans le futur, il pourra émailler son texte de magnifiques graphiques en noir et blanc et même en couleurs. %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Convergence uniforme sur tout segment} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Convergence uniforme sur tout segment]\mbox{}\\ % On dit que la suite $(f_n)_n$ de $\FIE[I]$ \emph{converge uniformément} vers $f$ \emph{sur tout segment de $I$} si, et seulement si, pour tout segment $S\subset I$, $\norme{f_n-f}_{\infty,S}=\sup_{t\in S}\abs[\big]{f_n(t)-f(t)}$ tend vers 0 quand $n$ tend vers l'infini \end{Df} \begin{NBs}\mbox{}\\ % La convergence uniforme de $(f_n)_n$ vers $f$ sur $I$ implique la convergence uniforme de $(f_n)_n$ vers $f$ sur tous les segments de $I$. Attention!! La convergence uniforme de $(f_n)_n$ vers $f$ sur tous les segments de $I$ \emph{n'implique pas} la convergence uniforme de $(f_n)_n$ vers $f$ sur $I$; l'exemple (\ref{ex\DP ex1}) en donne la preuve. Par contre, la convergence uniforme sur tout segment de $I$ implique la convergence simple sur~$I$. \end{NBs} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \section{Convergence uniforme des séries de fonctions} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% Dans cette section, nous appliquons aux séries de fonctions la notion de convergence uniforme vue pour les suites; le principe est simple, la somme d'une série est la limite d'une suite particulière : la suite de ses sommes partielles. %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Généralités} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Convergence uniforme d'une série de fonctions]\mbox{}\\ % Soit $(u_n)_n$ une suite de $\FIE[I]$; on dit que la série de fonctions $\sum u_n$ \emph{converge uniformément sur $I$} si, et seulement si, la suite des sommes partielles converge uniformément sur $I$ vers la somme $S$ de la série, \ie{} si, et seulement si, la suite $(R_n)_n$ de ses restes à l'ordre $n$ converge uniformément sur $I$ vers la fonction nulle. \Reponse[Bflushleft]{$\dps \sum u_n \text{ converge uniformément sur $I$}\iff \normi{S-S_n}=\normi{R_n}=\sup_{t\in I}\abs[\Big]{\sum_{k=n+1}^{+\infty}u_k(t)} \tend 0$} \end{Df} \begin{Exs} Reprenons les exemples du paragraphe \ref{ex\DP serie}. Exemple (\ref{ex\DP serie1}). En additionnant les inégalités \begin{equation} \qqs k>1,\ \int_{k}^{k+1} \ra1{t^\alpha}\,dt \leq \ra1{k^\alpha} \leq \int_{k-1}^{k} \ra1{t^\alpha}\,dt \end{equation} où $\alpha$ est un réel plus grand que 1, on obtient : \begin{equation} \int_{n+1}^{n+p+1} \ra1{t^\alpha}\,dt= \left. \ra{-1}{(\alpha-1)t^{\alpha-1}}\right]_{t=n+1}^{t=n+p+1} \leq \sum_{k=n+1}^{n+p}\ra1{k^\alpha} \leq \int_{n}^{n+p} \ra1{t^\alpha}\,dt= \left. \ra{-1}{(\alpha-1)t^{\alpha-1}}\right]_{t=n}^{t=n+p} \end{equation} ce qui donne en passant à la limite sur $p$ : \begin{equation} \ra{1}{(\alpha-1)(n+1)^{\alpha-1}} \leq \sum_{k=n+1}^{+\infty}\ra1{k^\alpha} \leq \ra{1}{(\alpha-1)n^{\alpha-1}} \end{equation} Puisque $\dsp \sup_{\alpha\in\into1{+\infty}} R_n(\alpha)\geq \sup_{\alpha\in\into1{+\infty}} \ra{1}{(\alpha-1)(n+1)^{\alpha-1}}=+\infty$, la série $\sum n^{-\alpha}$ ne converge pas uniformément sur l'intervalle $\into1{+\infty}$. En se limitant à l'intervalle $\intfo a{+\infty}$ avec $a>1$, on obtient \begin{equation} \sup_{\alpha\in\intfo{a}{+\infty}}R_n(\alpha)\leq \sup_{\alpha\in\intfo{a}{+\infty}}\ra{1}{(\alpha-1)n^{\alpha-1}}= \ra{1}{(a-1)n^{a-1}}\tend 0 \end{equation} ce qui établit la convergence uniforme de la série $\sum n^{-\alpha}$ sur tout intervalle $\intfo a{+\infty}$ avec $a>1$. Exemple (\ref{ex\DP serie2}). La série $\sum (-1)^{n-1} n^{-\alpha}$ vérifie le critère spécial des séries alternées; le reste de cette série se majore facilement : sur l'intervalle $\intfo a{+\infty}$ avec $a>0$, on obtient : \begin{equation} \qqs \alpha\geq a,\ |R_n(\alpha)|\leq\ra1{(n+1)^\alpha}\leq\ra1{(n+1)^a} \end{equation} ce qui montre que $\sup_{\alpha\in\intfo a{+\infty}}|R_n(\alpha)|\leq (n+1)^{-a}$ et assure la convergence uniforme de la série $\sum(-1)^{n-1}n^{-\alpha}$ sur tout intervalle $\intfo a{+\infty}$ avec $a>0$. \end{Exs} \begin{NB} L'exemple (\ref{ex\DP serie1}) montre que la convergence uniforme d'une série sur tous les intervalles $\intfo a{+\infty}$ avec $a>1$ \emph{n'implique pas} la convergence uniforme sur $cup_{a>1}\intfo{a}{+\infty}=\into1{+\infty}$. \end{NB} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Convergence normale d'une série de fonctions} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Convergence normale]\mbox{}\\ % Soit $(u_n)_n$ une suite de $\FIE[I]$; on dit que la série $\sum u_n$ \emph{converge normalement sur $I$} si, et seulement si, la série de terme général $\normi{u_n}=\sup_{t\in I}|u_n(t)|$ est une série convergente. $$ \reponse{$\dps\sum u_n$ converge normalement sur $I$ $\dps\iff\sum \normi{u_n}=\sum \sup_{t\in I}|u_n(t)|$ est convergente} $$ \end{Df} \begin{Df}[Série majorante]\mbox{}\\ % La série numérique à \emph{termes réels positifs} $\sum \alpha_n$ est une série \emph{majorante sur $I$} de la série de fonctions $\sum u_n$ si, et seulement si, $$ \qqs n\in\N,\ \qqs t\in I,\ |u_n(t)|\leq\alpha_n $$ \end{Df} \begin{Th}[Critère de Weierstrass]\mbox{}\\ % Pour établir la convergence normale de la série de fonctions $\sum u_n$, il suffit de trouver une série numérique majorante convergente. \end{Th} \begin{proof} Si $\sum \alpha_n$ est une telle série, on a $\qqs n\in\N,\ \qqs t\in I,\ |u_n(t)|\leq\alpha_n$ ce qui implique : \begin{equation} \qqs n\in\N,\ \sup_{t\in I}|u_n(t)|=\normi{u_n}\leq\alpha_n \end{equation} et assure, par le critère de comparaison, la convergence de $\sum\normi{u_n}$. \end{proof} %-------------------------------------------------- \begin{Th}[Convergences normale et uniforme]\mbox{}\\ % Toute série qui converge normalement sur $I$, converge absolument et uniformément sur $I$, et $$ \sup_{t\in I}\abs[\Big]{\sum_{n=0}^{+\infty} u_n(t)}= \normi[\Big]{\sum_{n=0}^{+\infty} u_n} \leq \sum_{n=0}^{+\infty} \normi{u_n} $$ \end{Th} \begin{proof} L'inégalité $|u_n(t)|\leq\normi{u_n}$ pour $t\in I$ et $n\in\N$ montre la convergence de $\sum |u_n(t)|$, \ie{} l'absolue convergence de $\sum u_n(t)$ pour tout $t\in I$. L'absolue convergence de $\sum u_n(t)$ donne les inégalités pour tout $n\in\N$ : \begin{equation} \qqs t\in I,\ \abs{R_n(t)}=\abs[\Big]{\sum_{k=n+1}^{+\infty} u_k(t)}\leq \sum_{k=n+1}^{+\infty} \abs{u_k(t)}\leq\sum_{k=n+1}^{+\infty} \normi{u_k} \end{equation} ce qui montre que $\normi{R_n}\leq\sum_{k=n+1}^{+\infty} \normi{u_k}$, et puisque $\sum_{k=n+1}^{+\infty} \normi{u_k}\tend 0$ (reste d'une série convergente), $\normi{R_n}$ tend vers 0. Reprenons les inégalités : \begin{equation} \qqs t\in I,\ \Bigl|\sum_{k=0}^{+\infty} u_k(t)\Bigr|\leq \sum_{k=0}^{+\infty} |u_k(t)|\leq\sum_{k=0}^{+\infty} \normi{u_k} \end{equation} Par passage à la borne supérieure sur $t$, on obtient le résultat demandé. \end{proof} %-------------------------------------------------- \begin{Exs} Reprenons les exemples du paragraphe \ref{ex\DP serie} Exemple (\ref{ex\DP serie1}). Puisque $\sup_{\alpha\in\intfo{a}{+\infty}} n^{-\alpha}=n^{-a}$, la série $\sum n^{-\alpha}$ converge normalement sur tous les intervalles $\intfo a{+\infty}$ avec $a>1$, mais ne converge pas normalement sur $\cup_{a>1}\intfo{a}{+\infty}=\into1{+\infty}$. Exemple (\ref{ex\DP serie2}). La série $\sum (-1)^{n-1}n^{-\alpha}$ converge uniformément sur tous les intervalles $\intfo a{+\infty}$ avec $a>1$, mais ne converge pas uniformément sur $\into 0{+\infty}$. Exemple (\ref{ex\DP serie3}). Puisque $|e^{-n}e^{in^2t}|=e^{-n}$, la série $\sum e^{-n}e^{in^2t}$ converge normalement sur~$\R$. \end{Exs} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Convergences normale et uniforme sur tout segment}\alaligne %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Convergence uniforme sur tout segment]\mbox{}\\ % La série $\sum u_n$ converge uniformément sur tout segment de $I$ si, et seulement si, la suite $(R_n)_n$ de ses restes à l'ordre $n$ converge uniformément vers la fonction nulle sur tout segment de $I$. \end{Df} \begin{Df}[Convergence normale sur tout segment]\mbox{}\\ % La série $\sum u_n$ converge normalement sur tout segment de $I$ si, et seulement si, pour tout segment $K\subset I$, la série $\sum\norme{u_n}_{\infty,K}$ est convergente. \end{Df} \begin{NBs}\alaligne La convergence normale de la série sur tout segment de $I$ implique la convergence absolue de cette série sur $I$ et sa convergence uniforme sur tout segment de~$I$, mais n'implique ni sa convergence normale, ni sa convergence uniforme sur $I$. Par exemple, la série $\sum n^{-\alpha}$ converge normalement sur tout segment de l'intervalle $\into1{+\infty}$ et ne converge pas normalement sur $\into1{+\infty}$. La série $\sum (-1)^{n-1}n^{-\alpha}$ converge uniformément sur tout segment de~$\into0{+\infty}$, mais ne converge pas uniformément sur $\into0{+\infty}$. \end{NBs} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \section{Continuité} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Continuité de la limite uniforme} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Lem}[Continuité de la limite en un point]\mbox{}\\ % Soient $(f_n)_n$ une suite de $\FIE[I]$ et $a$ un point de $I$; si la suite $(f_n)_n$ converge uniformément vers $f$ sur $I$ et si, pour tout $n\in\N$, $f_n$ est continue en $a$, alors $f$ est continue en $a$. \end{Lem} \begin{proof} Puisque la suite $(f_n)_n$ converge uniformément vers $f$ sur $I$, il vient : \begin{equation} \qqs\eps>0,\ \exists N\in\N,\ \qqs n\in\N,\ \qqs t\in I,\ n\geq N\implique |f_n(t)-f(t)|<\ra\eps3 \end{equation} Fixons $\eps>0$ et utilisons la fonction $f_N$ : $$ \begin{array}{ccccccc} |f(t)-f(a)| &\leq & |f(t) - f_N(t)| & + & |f_N(t)-f_N(a)| & + & |f_N(a) - f(a)| \\ &\leq & \ra\eps3 & + & |f_N(t)-f_N(a)| & + & \ra\eps3 \end{array} $$ La continuité de $f_N$ en $a$ donne l'existence de $\eta>0$ tel que $|t-a|<\eta$ implique $|f_N(t)-f_N(a)|<\ra\eps3$. Ainsi $|t-a|<\eta$ implique $|f(t)-f(a)|<\eps$ et $f$ est continue en $a$. \end{proof} %-------------------------------------------------- \begin{Cor} Soient $\suite f$ une suite de fonctions qui converge simplement vers $f$ sur $I$ et $a$ un point de $I$; si pour tout $n$, $f_n$ est continue en $a$ et si $f$ n'est pas continue en $a$, la convergence de la suite $\suite f$ vers $f$ n'est pas uniforme sur $I$. \end{Cor} \begin{proof} Raisonnement par l'absurde en utilisant le lemme précédent. \end{proof} %---------------------------------------------------------------------- \begin{Ex} La limite $f$ de l'exemple (\ref{ex\DP ex1}) du paragraphe \ref{ex\DP suite} n'est pas continue sur $\intf01$ alors que les fonctions $f_n$ le sont; la suite $f_n$ ne converge pas uniformément vers $f$ sur $\intf01$. \end{Ex} %---------------------------------------------------------------------- \begin{Th}[Limite uniforme d'une suite de fonctions continues]\mbox{}\\ % Toute suite de fonctions \emph{continues} qui converge uniformément sur $I$ a sa limite continue sur $I$. Toute suite de fonctions \emph{continues} qui converge uniformément sur tout segment de $I$ a sa limite continue sur $I$. \end{Th} \begin{proof} Soit $a$ un point intérieur à $I$ et $T=\intf cd$ un segment de $I$ voisinage de $a$ ($c<a<d$). La suite $(f_n)_n$ converge uniformément sur $T$ vers $f$ et pour tout $n$, $f_n$ est continue en $a$, et le lemme montre la continuité de $f$ en $a$. Si $a$ est une extrémité de $I$, on prendra un segment $T=\intf ac$ ou $T=\intf ca$. \end{proof} %-------------------------------------------------- \begin{NB} La continuité est une propriété locale : une fonction est continue sur un intervalle si elle est continue en tout point de cet intervalle, ou encore sur tout segment de cet intervalle. \end{NB} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Permutation de deux limites} %--------------------------------------------------------------------- Peut-on sans précaution permuter deux signes limite? La réponse est non comme le montre cet exemple : \begin{gather} \lim_n\left( \lim_m\ra m{n+m} \right)=\lim_n 1=1 \\ \lim_m\left( \lim_n\ra m{n+m} \right)=\lim_m 0=0 \end{gather} Par contre, sous les hypothèses du théorème précédent, la continuité de $f$ et des $f_n$ en $a$ s'interprète de la manière suivante : \begin{equation} f(a)= \begin{cases} \dsp\lim_{t\to a}f(t)=\lim_{t\to a}\left( \lim_n f_n(t) \right) \\ \dsp\lim_n f_n(a)=\lim_{n}\left( \lim_{t\to a} f_n(t) \right) \end{cases} \end{equation} et sous ces hypothèses, la permutation des deux signes limite est licite, c'est le théorème de la double limite dans le cas où $a$ appartient à $I$. Reste maintenant le cas où $a$ est une extrémité de~$I$. \begin{Th}[de la double limite]\mbox{}\\ % Soient $a$ une extrémité de $I$, $(f_n)_n$ une suite de fonctions qui converge uniformément vers $f$ sur $I$ et telle que, pour tout~$n$, $\lim_{t\to a,t\in I}f_n(t)$ existe et vaut $b_n$; alors \begin{prop} \item la suite $(b_n)_n$ est une suite convergente; \item $\lim_{t\to a}f(t)=\lim_n b_n$, \ie $$ \lim_n\Bigl( \lim_{\substack{t\to a\\t\in I}}f_n(t) \Bigr)= \lim_{\substack{t\to a\\t\in I}}\Bigl( \lim_n f_n(t) \Bigr) $$ \end{prop} \end{Th} \begin{proof}\mbox{} % \begin{demprop} \monitem Soient $\eps>0$ et $N$ le rang à partir duquel $|f_n(t)-f(t)|<\ra\eps2$ pour tout $t\in I$; alors : $$ \qqs t\in I,\ \qqs(n,p)\in\N^2,\ n>N\implique |f_n(t)-f_{n+p}(t)|\leq |f_n(t)-f(t)| + |f_{n+p}(t)-f(t)|<\eps $$ et en faisant tendre $t$ vers $a$ en restant dans $I$, $n$ et $p$ fixés, on a \begin{equation} \qqs(n,p)\in\N^2,\ n>N\implique |b_n-b_{n+p}|\leq\eps \end{equation} La suite $(b_n)_n$ est une suite de Cauchy, donc une suite convergente dans $\K$; sa limite est notée $b$. \monitem Si $a$ est fini, on pose ${\tilde f}_n$ (resp. $\tilde f$) le prolongement de $f_n$ (resp. $f$) à $I\cup\{a\}$ en posant $f_n(a)=b_n$ (resp. $f(a)=b$). La suite $({\tilde f}_n)_n$ converge uniformément vers $\tilde f$ sur $I\cup\{a\}$ et, puisque pour tout $n$, ${\tilde f}_n$ est continue en $a$, $\tilde f$ est aussi continue en $a$, ce qui donne la relation proposée. Si $a\in\{+\infty,-\infty\}$ on modifie la démonstration en conséquence en utilisant l'inégalité : $$ |f(t)-b|\leq|f(t)-f_N(t)| + |f_N(t)-b_N| + |b_N-b| $$ \end{demprop} \end{proof} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Applications aux séries} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Th}[Continuité de la somme d'une série]\alaligne\label{th\DP delim} Si $\sum u_n$ est une série de fonctions \emph{continues} sur $I$ qui converge uniformément sur tout segment de $I$, la~fonction $S : t\mapsto \sum_{n=0}^{\infty} u_n(t)$est une fonction continue sur $I$. \end{Th} \begin{proof} Pour tout $n$, $S_n=\sum_{k=0}^n u_k$ est continue sur $I$ et $(S_n)_n$ converge uniformément sur tout segment de $I$; $S$ est donc une fonction continue sur $I$. \end{proof} %---------------------------------------------------------------------- \begin{Exs}\alaligne\\ $\alpha\mapsto\sum_{n>0}n^{-\alpha}$ est continue sur $\into1{+\infty}$; \\ $\alpha\mapsto\sum_{n>0}(-1)^{n-1} n^{-\alpha}$ est continue sur $\into0{+\infty}$; \\ $t\mapsto e^{-n}e^{in^2t}$ est continue sur $\R$. \end{Exs} %---------------------------------------------------------------------- \subsubsection*{Permutation des signes $\lim$ et $\sum$} %---------------------------------------------------------------------- Sous les hypothèses du théorème (\ref{th\DP delim}), on peut écrire pour $a$ dans $I$ : \begin{equation} S(a)= \begin{cases} \dsp\lim_{t\to a} S(t)=\lim_{t\to a}\sum_{n=0}^{+\infty} u_n(t)\\ \dsp\sum_{n=0}^{+\infty} u_n(a)=\sum_{n=0}^{+\infty} \lim_{t\to a}u_n(t) \end{cases} \end{equation} ce qui justifie la permutation du signe $\lim_{t\to a}$ avec le signe $\sum_{n=0}^\infty$. Si $a$ est une extrémité de $I$, on a le \begin{Th}[de permutation des signes $\lim$ et $\sum$]\mbox{}\\ % Soient $a$ une extrémité de $I$, $\sum u_n$ une série de fonctions qui converge uniformément sur $I$ telle que, pour tout $n$, $\lim_{t\to a,t\in I}u_n(t)$ existe et vaut~$b_n$; alors \begin{prop} \item la série $\sum b_n$ est convergente; \item $\lim_{t\to a}\sum_{n=0}^\infty u_n(t)=\sum_{n=0}^{\infty} b_n$, \ie $$ \lim_{t\to a,t\in I}\sum_{n=0}^{\infty} u_n(t)= \sum_{n=0}^{\infty} \lim_{t\to a,t\in I}u_n(t) $$ \end{prop} \end{Th} \begin{proof} La démonstration est une application du théorème de la double limite pour la suite $(S_n)_n$. \end{proof} %---------------------------------------------------------------------- %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \section{Quelques espaces fonctionnels} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% Dans cette section, nous allons définir quelques espaces de fonctions, encore appelés espaces fonctionnels : espace des fonctions en escalier, des fonctions continues par morceaux, des polynômes trigonométriques. Ces fonctions sont définies sur un intervalle de $\R$ et à valeurs dans $E$ un $\K$-espace vectoriel de dimension finie. Dans les applications pratiques, les fonctions sont numériques, \ie{} à valeurs dans $\R$ ou $\C$. On note $\FabE{E}$ le $\K$-espace vectoriel des fonctions définies sur le segment $\intf ab$ à valeurs dans $E$; $\FabE{\K}$ est aussi noté $\Fab$. %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Subdivision} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Subdivision]\mbox{}\\ % Toute suite $(a_k)_{k\in\Intf0n}$ strictement croissante de $\intf ab$ avec $a_0=a$ et $a_n=b$ est appelée \emph{subdivision du segment} $\intf ab$; on a les inégalités : $$ a=a_0<a_1<\cdots<a_n=b $$ \end{Df} \begin{Df}[Subdivision plus fine qu'une autre]\mbox{}\\ % La subdivision $\sigma_1$ est plus fine que la subdivision $\sigma_2$ si, et seulement si, tous les éléments de $\sigma_2$ appartiennent à $\sigma_1$ et on note $\sigma_2\subset\sigma_1$. \end{Df} \begin{Df}[Intersection et union de subdivisions]\mbox{}\\ % La subdivision obtenue en ordonnant les éléments communs à $\sigma_1$ \emph{et} $\sigma_2$ est notée $\sigma_1\cap\sigma_2$. La subdivision obtenue en ordonnant les éléments de $\sigma_1$ \emph{ou} $\sigma_2$ est notée $\sigma_1\cup\sigma_2$. \end{Df} \begin{NB} Si $\sigma_1$ et $\sigma_2$ sont deux subdivisions alors $$ \sigma_1\cap\sigma_2\subset\sigma_1\subset\sigma_1\cup\sigma_2 \quad\et\quad \sigma_1\cap\sigma_2\subset\sigma_2\subset\sigma_1\cup\sigma_2 $$ \end{NB} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Fonctions en escalier sur un segment} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Fonction en escalier]\mbox{}\\ % Une fonction $\vc f\in\FabE{E}$ est dite \emph{en escalier} si, et seulement si, il existe une subdivision $\sigma_{\vc f} = (a_k)_{k\in\Intf0n}$ de $\intf ab$ telle que pour tout $k\in\Intf1n$, la restriction de $\vc f$ à l'intervalle ouvert $\into{a_{k-1}}{a_k}$ est constante. La subdivision $\sigma_{\vc{f}}$ est dite \emph{subordonnée} à $\vc f$; cette subdivision n'est pas unique; en particulier, toute subdivision plus fine que $\sigma_{\vc{f}}$ convient encore. On note $\EscabE{E}$ l'ensemble des fonctions en escalier sur $\intf ab$ à valeurs dans $E$; au lieu de $\EscabE{\K}$, on utilisera $\Escab$. \end{Df} \begin{Prop}[Structure algébrique]\mbox{}\\ % $\EscabE{E}$ est un $\K$-espace vectoriel; $\Escab$ est une $\K$-algèbre. \end{Prop} \begin{proof} Soient $\vc f$ et $\vc g$ (resp. $f$ et $g$) deux fonctions en escalier sur $\intf ab$ à valeurs dans $E$ (resp. dans $\K$), $\sigma_{\vc{f}}$ et $\sigma_{\vc{g}}$ resp. $\sigma_{f}$ et $\sigma_{g}$) leurs subdivisions subordonnées; alors $\sigma=\sigma_{\vc{f}}\cup\sigma_{\vc{g}}$ (resp. $\sigma=\sigma_{f}\cup\sigma_{g}$) est une subdivision subordonnée à $\vc f$ et $\vc g$ (resp. $f$ et $g$). Posons $\sigma=(b_k)_{k\in\Intf0n}$; puisque les restrictions de $\vc f$ et $\vc g$ (resp. $f$ et $g$) à $\into{b_{k-1}}{b_k}$ sont constantes pour $k\in\Intf1n$, alors pour tout $(\lambda,\mu)\in\K^2$, la restriction de $\lambda\vc f+\mu\vc g$ (resp. $\lambda f+\mu g$ et $fg$) à $\into{b_{k-1}}{b_k}$ est constante (resp. sont constantes) pour $k\in\Intf1n$, et donc : \begin{gather} \qqs(\lambda,\mu)\in\K^2,\ \qqs(\vc f,\vc g)\in\EscabE{E},\ \lambda\vc f+\mu\vc g\in\EscabE{E} \\ \qqs(\lambda,\mu)\in\K^2,\ \qqs(f,g)\in\Escab,\ \lambda f+\mu g\in\EscabE \et fg\in\Escab \end{gather} $\EscabE{E}$ est un sous-espace vectoriel de $\FabE{E}$ et, puisque la fonction constante $1$ est en escalier sur $\intf ab$, $\Escab$ est une sous-algèbre de $\Fab$. \end{proof} \begin{NB} $\Escab$ est engendré par les fonctions caractéristiques d'intervalles de $\intf ab$. \begin{equation} f=\sum_{k=1}^n\lambda_k\chi_{\into{a_{k-1}}{a_k}}+ \sum_{k=0}^nf(a_k)\chi_{\{a_k\}} \end{equation} \end{NB} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Fonction en escalier sur $\R$} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Fonction en escalier sur $\R$]\mbox{}\\ % Une fonction $\vc f\in\FIE[\R,E]$ est dite \emph{en escalier} si, et seulement si, il existe un segment $S_{\vc f}$ tel que $\vc f$ soit nulle en dehors de $S_{\vc f}$ et en escalier sur $S_{\vc f}$. Le segment $S_{\vc f}$ est appelé \emph{domaine subordonné} à $\vc f$; il n'est pas unique, tout segment contenant $S_{\vc f}$ convient encore. L'ensemble des fonctions en escalier sur $\R$ à valeurs dans $E$ est noté $\EscIE[\R,E]$; $\EscIE[\R,\K]$ est aussi noté $\EscIE[\R]$. \end{Df} \begin{NB} La fonction nulle est la seule fonction constante en escalier sur $\R$. \end{NB} \begin{Prop}[Structure algébrique]\mbox{}\\ % $\EscIE[\R,E]$ est un $\K$-espace vectoriel; la multiplication est stable sur $\EscIE[\R]$. \end{Prop} \begin{proof} Soient $\vc f$ et $\vc g$ (resp. $f$ et $g$) deux fonctions en escalier sur $\R$ à valeurs dans $E$ (resp. dans $\K$) et $\intf ab$ un intervalle en dehors duquel $\vc f$ \emph{et} $\vc g$ (resp. $f$ \emph{et}{} $g$) sont nulles; alors pour tout $(\lambda,\mu)\in\K^2$, $\lambda\vc f+\mu\vc g$ (resp. $\lambda f+\mu g$ et $fg$) est nulle (resp. sont nulles) en dehors de $\intf ab$ et en escalier sur $\intf ab$. $\EscIE[\R,E]$ est un sous-espace vectoriel de $\FIE[\R,E]$; la fonction constante $1$ n'est pas une fonction en escalier sur $\R$, ainsi $\EscIE[\R]$ n'est pas une sous-algèbre de $\mathcal{F}(\R)$, mais un sous-espace vectoriel de $\mathcal{F}(\R)$ sur lequel la multiplication est stable. \end{proof} \begin{NB} $\EscIE[\R]$ est engendré par les fonctions caractéristiques d'intervalles bornés. \end{NB} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Fonctions continues par morceaux sur un segment} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Fonction continue par morceaux]\mbox{}\\ % Une application $\vc f$ de $\intf ab$ vers $E$ est dite \emph{continue par morceaux} sur $\intf ab$ si, et seulement si, il existe une subdivision $\sigma_{\textrm{f}}=(a_k)_{k\in\Intf0n}$ de $\intf ab$ telle que pour tout $k\in\Intf1n$, la restriction de $\vc f$ à l'intervalle ouvert $\into{a_{k-1}}{a_k}$ soit prolongeable par continuité au segment $\intf{a_{k-1}}{a_k}$. La subdivision $\sigma_{\textrm{f}}$ est dite \emph{subordonnée} à $\vc f$. L'ensemble des fonctions continues par morceaux sur le segment $\intf ab$ est noté $\CMabE{E}$; $\CMabE{\K}$ est encore noté $\CMab$. \end{Df} \begin{Prop}[Caractérisation]\mbox{}\\ % $\vc f$ est continue par morceaux sur $\intf ab$ si, et seulement si, il existe une subdivision $\sigma_{\vc{f}}=(a_k)_{k\in\Intf0n}$ de $\intf ab$ telle que $\vc f$ soit continue sur $\intf ab\setminus \ens{a_k}{k\in\Intf0n}$ et pour tout $k\in\Intf1n$ les limites $\dsp\lim_{t\downarrow a_{k-1}}\vc f(t)$ et $\dsp\lim_{t\uparrow a_{k}}\vc f(t)$ existent. \end{Prop} %---------------------------------------------------------------------- \begin{Prop}[Structure algébrique]\mbox{}\\ % $\CMabE{E}$ est un $\K$-espace vectoriel; $\CMab$ est une $\K$-algèbre. \end{Prop} \begin{proof} Considérons $\vc f$ et $\vc g$ (resp. $f$ et $g$) deux fonctions de $\CMabE{E}$ (resp. $\CMab$) et la subdivision $(b_k)_{k\in\Intf0n}=\sigma_{\vc{f}}\cup\sigma_{\vc{g}}$ (resp. $\sigma_{f}\cup\sigma_{g}$) subordonnée à $\vc f$ et à $\vc g$ (resp. $f$ et $g$); pour tout $(\lambda,\mu)\in\K^2$, $\lambda\vc f+\mu\vc g$ (resp. $\lambda f+\mu g$ et $fg$) est continue (resp. sont continues) sur $\into{b_{k-1}}{b_k}$ et se prolonge (resp. se prolongent) par continuité à $\intf{b_{k-1}}{b_k}$ pour tout $k\in\Intf1n$. $\CMabE{E}$ est un sous-espace vectoriel de $\FabE{E}$, et, puisque la fonction constante $1$ est une fonction continue (donc continue par morceaux) sur $\intf ab$, $\CMab$ est une sous-algèbre de $\Fab$. \end{proof} %---------------------------------------------------------------------- \begin{NB} $\EscabE{E}$ est engendré par les fonctions caractéristiques d'intervalles bornés. \end{NB} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Fonctions continues par morceaux sur un intervalle quelconque} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Df}[Fonction continue par morceaux sur un intervalle]\mbox{}\\ % Si $I$ est un intervalle quelconque, on dit qu'une fonction est \emph{continue par morceaux sur $I$} si, et seulement si, sa restriction à tout segment $S$ de $I$ est continue par morceaux sur $S$. $\CMIE$ est l'ensemble des fonctions continues par morceaux sur $I$; $\CMIE[I,\K]$ est encore noté $\CMIE[I]$. Si $I$ est un segment, on retrouve la définition précédente. \end{Df} \begin{Prop}[Structure algébrique]\mbox{}\\ % $\CMIE$ est un $\K$-espace vectoriel; $\CMIE[I]$ est une $\K$-algèbre. \end{Prop} \begin{proof} Soient $\vc f$ et $\vc g$ (resp. $f$ et $g$) deux fonctions continues par morceaux sur $I$ à valeurs dans $E$ (resp. dans $\K$), $\lambda$ et $\mu$ deux scalaires; pour tout segment $S$ de $I$, $\vc f\rvert_S$, $\vc g\rvert_S$, $(\lambda\vc f+\mu\vc g)\rvert_S$ (resp. $f\rvert_S$, $g\rvert_S$, $(\lambda f+\mu g)\rvert_S$, $(fg)\rvert_S$) sont continues par morceaux sur $S$. $\CMIE$ est un sous-espace vectoriel de $\FIE$; la fonction constante $1$ est continue sur $I$ (donc continue par morceaux sur tout segment de $I$), ainsi $\CMIE[I]$ est une sous-algèbre de $\FIE[I]$. \end{proof} %---------------------------------------------------------------------- \begin{Exs} La fonction $t\mapsto t^{-1}$ est continue par morceaux sur $\into0{+\infty}$ et sur $\into{-\infty}0$, mais n'est pas continue par morceaux sur $\R$. La fonction $\ent$ (partie entière) est continue par morceaux sur $\R$, mais n'est pas une fonction en escalier sur $\R$. $t\mapsto t\,\ent(t^{-1})$ est une fonction continue par morceaux sur $\into0{+\infty}$, mais n'est pas continue par morceaux sur $\intfo0{+\infty}$ bien qu'elle soit continue en $t=0$. \end{Exs} %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Polynômes trigonométriques} %--------------------------------------------------------------------- %------------------------------------------------- \subsubsection{Fonctions $2\pi$-périodiques} %------------------------------------------------- \begin{Dfs}[Produit scalaire sur $\Cdepi$]\mbox{}\\ % La $\C$-algèbre des fonctions continues sur $\R$, $2\pi$-périodiques et à valeurs complexes est notée~$\Cdepi$. Le produit scalaire sur $\Cdepi$ est défini par : $$ \reponse{$\dsp\qqs(f,g)\in\Cdepi\times\Cdepi,\ \scal fg =\ra1{2\pi}\int_0^{2\pi}\conjug{f(t)}g(t)\,dt =\ra1{2\pi}\int_{-\pi}^{\pi}\conjug{f(t)}g(t)\,dt $} $$ et pour $k\in\Z$, on note $e_k$ est la fonction $t\mapsto \exp(ikt)=e^{ikt}$. \end{Dfs} \begin{Prop} $\Cdepi$ muni de $\scal{\ }{\ }$ est un espace préhilbertien complexe et $(e_k)_{k\in\Z}$ une famille orthonormale, \ie{} : \begin{equation*} \qqs(r,s)\in\Z^2,\ \scal{e_r}{e_s}=\delta_{r,s}= \begin{cases} 1 & \text{si $r=s$} \\ 0 & \text{si $r\neq s$} \end{cases} \end{equation*} \end{Prop} \begin{proof} $\scal{\ }{\ }$ est une forme bilinéaire à symétrie hermitienne telle que pour tout $f\in\Cdepi$ : \begin{itemize} \item $2\pi\scal ff=\int_0^{2\pi}{\abs{f(t)}}^2\,dt\geq0$ \item $0=2\pi\scal ff=\int_0^{2\pi}{\abs{f(t)}}^2\,dt$ implique $f=0$, puisque $t\mapsto{\abs{f(t)}}^2$ est une fonction positive, continue et d'intégrale nulle. \end{itemize} Si $r=s$, on a : \begin{equation} \scal{e_r}{e_r}=\ra1{2\pi}\int_0^{2\pi} e^{-irt} e^{irt}\,dt= \ra1{2\pi}\int_0^{2\pi} 1\,dt=1 \end{equation} pour $r\neq s$, il vient : \begin{equation} \scal{e_r}{e_s}=\ra1{2\pi}\int_0^{2\pi} e^{-irt} e^{ist}\,dt= \ra1{2\pi}\int_0^{2\pi} e^{i(s-r)t}\,dt= \left. \ra1{2\pi}\,\ra{e^{-i(r-s)t}}{-i(r-s)} \right]_{t=0}^{t=2\pi}=0 \end{equation} \end{proof} %-------------------------------------------------- \subsubsection{Polynômes trigonométriques} %-------------------------------------------------- \begin{Df}[Polynômes trigonométriques]\mbox{}\\ % On appelle \emph{polynôme trigonométrique de degré au plus $n$} toute combinaison linéaire de la famille $(e_k)_{k\in\Intf{-n}n}$; si $P$ est un polynôme trigonométrique de degré au plus $n$, il existe une famille $(c_k)_{k\in\Intf{-n}n}$ de nombres complexes tels que : $$ \qqs t\in\R,\ P(t)=\sum_{k=-n}^n c_k e^{ikt} $$ L'ensemble des polynômes trigonométriques de degré au plus $n$ est noté $\Tndepi$; l'ensemble des polynômes trigonométriques est noté $\Tdepi$ et on a : $\Tdepi=\cup_{n\in\N}\Tndepi$. \end{Df} \begin{Prop} On a les propriétés suivantes : \begin{prop} \item si $P$ est un polynôme trigonométrique, la suite $(c_k)_{k\in\Z}$ est unique et donnée par l'expression : $$ c_k=\scal{e_k}P=\intdepi P(t)e^{-ikt}\,dt $$ \item $\Tndepi$ est un $\C$-espace vectoriel de dimension $2n+1$, la famille $(e_k)_{k\in\Intf{-n}n}$ en constitue une base; \item $\Tdepi$ est une $\C$-algèbre de dimension infinie, la famille $(e_k)_{k\in\Z}$ en constitue une base. \end{prop} \end{Prop} \begin{proof}\mbox{} % \begin{demprop} \monitem Si $P$ est un polynôme trigonométrique, il existe un entier $n$ et une famille de nombres complexes $(c_j)_{j\in\Intf{-n}n}$ tels que $P=\sum_{j=-n}^n c_j e_j$ et \begin{equation} \scal{e_k}P=\scal{e_k}{\sum_{j=-n}^n c_j e_j}=\sum_{j=-n}^n c_j\scal{e_k}{e_j}= \begin{cases} c_k & \text{si $k\in\Intf{-n}n$} \\ 0 & \text{si $k\notin\Intf{-n}n$} \end{cases} \end{equation} ce qui montre l'unicité des nombres $c_k$. \monitem Tout polynôme trigonométrique de degré $n$ se décompose de manière unique sur la famille $(e_k)_{k\in\Intf{-n}n}$, ce qui démontre que $(e_k)_{k\in\Intf{-n}n}$ est une base de $\Tndepi$; la~dimension de $\Tndepi$ sur $\C$ est $2n+1$. \monitem De même, tout polynôme trigonométrique de décompose de manière unique sur la famille de fonctions $(e_k)_{k\in\Z}$ qui est donc une base de $\Tdepi$; le produit de deux polynômes trigonométriques est un polynôme trigonométrique, ce qui montre la stabilité du produit; ainsi $\Tdepi$ est une sous-algèbre de $\Cdepi$. \end{demprop} \end{proof} %-------------------------------------------------- \subsubsection{Expression des polynômes trigonométriques à l'aide des % fonctions $\sin$ et $\cos$} %-------------------------------------------------- \begin{Prop} Tout polynôme trigonométrique $P$ s'écrit de manière unique \begin{gather} P(t)=\ra{a_0}2+\sum_{k=1}^n\bigr(a_k\cos(kt)+b_k\sin(kt)\bigr) \\ \begin{align*} \text{avec}\qquad\qqs k\in\Intf0n,\ a_k=c_k+c_{-k} &=\ra1\pi\int_0^{2\pi}P(t)\cos(kt)\,dt =2\scal{\cos k\,\cdot}P \\ \et \qquad\qqs k\in\Intf1n,\ b_k=i(c_k+c_{-k}) &=\ra1\pi\int_0^{2\pi}P(t)\sin(kt)\,dt =2\scal{\sin k\,\cdot}P \end{align*} \end{gather} \end{Prop} \begin{proof} Rappelons les formules d'Euler : $\exp(ikt)=\cos(kt)+i\sin(kt)$ et écrivons : \begin{align*} P(t) &= \sum_{k=-n}^n c_k e^{ikt} = c_0 + \sum_{k=1}^n (c_k e^{ikt}+c_{-k}e^{-ikt}) \\ &= c_0 + \sum_{k=1}^n \bigl(c_{k}(\cos kt + i\sin kt )+ c_{-k} (\cos kt - i\sin kt )\bigr) \\ &= c_0 + \sum_{k=1}^n \bigl((c_{k}+c_{-k})\cos(kt) + i(c_k-c_{-k})\sin(kt)\bigr) %\\ = c_0 + \sum_{k=1}^n ( a_k\cos kt + b_k\sin kt ) \end{align*} Ainsi on a l'expression intégrale des coefficients $a_k$ et $b_k$ : \begin{align*} a_k &= c_k + c_{-k} = \intdepi P(t) e^{-ikt}\,dt+\intdepi P(t) e^{ikt}\,dt \\ &=\intdepi P(t) (e^{-ikt}+e^{ikt})\,dt= %\intdepi P(t) 2\cos(kt)\,dt \\ =\ra1\pi\int_0^{2\pi}P(t)\cos(kt)\,dt=2\scal{\cos k\,\cdot}P \end{align*} De même, \begin{align*} b_k &= i(c_k - c_{-k}) = i\biggl(\intdepi P(t) e^{-ikt}\,dt-\intdepi P(t) e^{ikt}\,dt)\biggr) \\ &=i\intdepi P(t) (e^{-ikt}-e^{ikt})\,dt % =\intdepi P(t) 2\sin(kt)\,dt \\ =\ra1\pi\int_0^{2\pi}P(t)\sin(kt)\,dt=2\scal{\sin k\,\cdot}P \end{align*} \end{proof} %-------------------------------------------------- \subsubsection{Généralisation aux fonctions $T$-périodiques}%\alaligne %-------------------------------------------------- Donnons le principe du passage d'une fonction $T$-périodique à une fonction $2\pi$-périodique. Si $T$ est une période et $\omega=\ra{2\pi}T$ la pulsation associée, à toute fonction $T$-périodique $f$, on fait correspondre la fonction : \begin{equation} g : t\mapsto g(t)=f\left(\ra T{2\pi}t\right)=f\left(\ra t\omega\right) \end{equation} et $g$ admet $2\pi$ pour période. Réciproquement, si $g$ admet $2\pi$ pour période, la fonction \begin{equation} f : t\mapsto f(t)=g\left(\ra{2\pi}T t\right)=g\left(\omega t\right) \end{equation} admet $T$ pour période. Par exemple, les polynômes trigonométriques de période $T$ sont de la forme : \begin{equation} P(t)=\sum_{k=-n}^n c_k e^{ik\omega t}= \ra{a_0}2 +\sum_{k=1}^n \bigl( a_k\cos(k\omega t) + b_k\sin(k\omega t) \bigr) \end{equation} où les coefficients $c_k$, $a_k$ et $b_k$ vérifient les relations suivantes : \begin{align} c_k &= \ra1T\int_0^T P(t) e^{-ik\omega t}\,dt \\ a_k=c_k+c_{-k} &=\ra2T\int_0^T P(t)\cos(k\omega t)\,dt \\ b_k=i(c_k-c_{-k}) &=\ra2T\int_0^T P(t)\sin(k\omega t)\,dt \end{align} On note $\CT$ (resp. $\TT$) la $\C$-algèbre des fonctions (resp. des polynômes trigonométriques) de période $T$ et continues sur $\R$. %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% \section{Approximation des fonctions d'une variable réelle} %%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%%% %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Approximation uniforme par des fonctions en escalier} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Lem} Toute fonction numérique continue sur un segment peut s'approcher à $\eps$ près par une fonction en escalier, \ie{} : $$ \qqs f\in\Cab,\ \qqs\eps>0,\ \exists\varphi_\eps\in\Escab,\ {\norme{f-\varphi_\eps}}_{\infty,\intf ab}<\eps $$ \end{Lem} \begin{proof}[\textsc{Preuve} (hors programme)] Soit $f\in\Cab$; $f$ est \emph{uniformément continue} sur le segment $\intf ab$, \ie{} : \begin{equation} \qqs\eps>0,\ \exists\eta>0,\ \qqs(t_1,t_2)\in\intf ab^2,\ \abs{t_1-t_2}<\eta\implique \abs{f(t_1)-f(t_2)}<\eps \end{equation} Soient $\eps>0$, un entier $n$ tel que $\ra{b-a}n\leq\eta$ ($n=\ent(\ra{b-a}\eta +1$ convient), la subdivision $\sigma=(a_k)_{k\in\Intf0n}$ avec $a_k=a+k\ra{b-a}n$ et $\vphi_\eps$ la fonction en escalier définie par : \begin{equation} \begin{split} \qqs k\in\Intf1n,\ \qqs t\in\intfo{a_{k-1}}{a_k},\ \vphi_\eps(t) &=f(a_{k-1}) \\ \vphi_\eps(b) &=f(b) \end{split} \end{equation} Cette construction de $\vphi_\eps$ permet d'affirmer que : \begin{multline} \qqs k\in\Intf1n,\ \qqs t\in\intfo{a_{k-1}}{a_k}, \\ 0\leq t-a_{k-1}\leq\ra{b-a}n\leq\eta\implique \abs{f(t)-\vphi_\eps(t)}=\abs{f(t)-f(a_{k-1})}<\eps \end{multline} ce qui montre que ${\norme{f-\vphi_\eps}}_{\infty,\intf ab}\leq\eps$ \end{proof} %-------------------------------------------------- \begin{Th}\mbox{} Toute fonction continue sur le segment $\intf ab$ est limite uniforme sur ce segment d'une suite de fonctions en escalier sur $\intf ab$. \end{Th} \begin{proof} On applique le lemme précédent pour $\eps=\ra1{n+1}$ et la suite $(\vphi_\ra1{n+1})_n$ convient. \end{proof} %-------------------------------------------------- \begin{Th}[Extension aux fonctions continues par morceaux]\mbox{}\\ % Toute fonction continue par morceaux sur le segment $\intf ab$ est limite uniforme sur ce segment d'une suite de fonctions en escalier. \end{Th} \begin{proof}[\textsc{Preuve} (hors programme)]\mbox{} Soient $f\in\CMab$, $\sigma_f=(a_k)_{k=0}^{k=n}$ une subdivision subordonnée à $f$ et $\eps$ un nombre positif. Pour tout $k\in\Intf1n$, $f\rvert_{\into{a_{k-1}}{a_k}}$ possède un prolongement continue $g_k$ à $\intf{a_{k-1}}{a_k}$; il existe une fonction $\vphi_{k,\eps}$ en escalier sur $\intf{a_{k-1}}{a_k}$ telle que ${\norme{g_k-\vphi_{k,\eps}}}_{\infty,\intf{a_{k-1}}{a_k}}\leq\eps$. J'appelle $\vphi_\eps$ la fonction en escalier qui vaut $\vphi_{k,\eps}$ sur $\cup_{k=1}^n \into{a_{k-1}}{a_k}$ et dont la valeur en $a_k$ est $f(a_k)$ pour $k\in\Intf0n$. Pour tout $t\in\intf ab$, $\abs{f(t)-\vphi_\eps(t)}\leq\eps$, soit ${\norme{f-\vphi_\eps}}_{\infty,\intf ab}\leq\eps$. Ainsi \begin{equation} \qqs f\in\CMab,\ \qqs\eps>0,\ \exists\vphi_\eps\in\Escab,\ {\norme{f-\vphi_\eps}}_{\infty,\intf ab}\leq\eps \end{equation} La suite $(\vphi_{\ra1{n+1}})_n$ convient. \end{proof} %-------------------------------------------------- %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Approximation uniforme par des polynômes} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Th} Toute fonction continue sur un segment est la limite uniforme sur ce segment d'une suite de fonctions polynomiales, \ie{} : $$ \qqs f\in\Cab,\ \exists (P_n)_n \text{ suite de $\K[X]$},\ {\norme{f-P_n}}_{\infty,\intf ab}\tend0 $$ \end{Th} \begin{proof}[\textsc{Preuve} (hors programme)]\mbox{} Toute fonction $g$ continue sur $\intf01$ est la limite uniforme sur $\intf01$ de la suite $\bigl(B_n(g)\bigr)_n$ des polynômes de Bernstein (voir la démonstration en travaux dirigés). Utilisons le $\mathcal{C}^\infty$-difféomorphisme $t\mapsto u=\ra{t-a}{b-a}$ de $\intf ab$ sur $\intf 01$, l'application réciproque étant $u\mapsto t=a+u(b-a)$ pour passer d'une fonction $f$ continue sur $\intf ab$ à la fonction $g : u\mapsto f\bigl( a+u(b-a) \bigr)$ continue sur $\intf 01$ et posons $Q_n(t)=B_n(g)\bigl(\ra{t-a}{b-a}\bigr)$; $Q_n$ est une fonction polynomiale (de $t$). On a : \begin{equation} \qqs t\in\intf ab,\ \abs{f(t)-Q_n(t)}= \left| g\Bigl(\ra{t-a}{b-a}\Bigr)-B_n(g)\Bigl( \ra{t-a}{b-a}\Bigr)\right| \end{equation} ce qui donne en passant à la borne supérieure : \begin{equation} \begin{split} {\norme{f-Q_n}}_{\infty,\intf ab} &= \sup_{t\in\intf ab} \left|g\Bigl(\ra{t-a}{b-a}\Bigr)- B_n(g)\Bigl(\ra{t-a}{b-a}\Bigr)\right| \\ &=\sup_{u\in\intf01}\abs{g(u)-B_n(g)(u)}= {\norme{g-B_n(g)}}_{\infty,\intf01} \end{split} \end{equation} ce qui montre que ${\norme{f-Q_n}}_{\infty,\intf ab}$ tend vers 0. \end{proof} %-------------------------------------------------- %--------------------------------------------------------------------- \subsection{Approximation uniforme par des polynômes trigonométriques} %--------------------------------------------------------------------- \begin{Th} Toute fonction périodique et continue sur $\R$ est limite uniforme sur $\R$ d'une suite de polynômes trigonométriques, \ie{} : $$ \qqs f\in\CT,\ \exists(P_n)_n\text{ suite de $\TT$},\ {\norme{f-P_n}}_{\infty,\R}\tend 0 $$ \end{Th} \begin{proof}[\textsc{Preuve} (hors programme)]\mbox{} La démonstration est faite dans le chapitre des séries de Fourier, avec l'hypothèse supplémentaire pour la fonction $f$ d'être de classe $\mathcal{C}^1$ par morceaux. Le théorème de Fejer (voir les travaux dirigés) en donne une démonstration dans le cas général. \end{proof} %--------------------------------------------------